Vendredi 4 septembre 2020

Semaine de rentrée. Me voilà de retour au péage de Bourgoin, avec pour consigne d’ouvrir la cabine de seize à dix-neuf heures. Ça fait bizarre après des mois d’exploitation automatisée. Qui plus est, en sachant que la perception manuelle doit être supprimée d’ici quelques mois. Je me suis demandé si l’ouverture de la cabine allait vraiment être nécessaire…

Le fait est que la plateforme se remplit par vagues successives. Donc oui, ouvrir une voie supplémentaire en mode « flèche verte » est utile. Sauf que, quand même, sur les cent-vingt premiers passages, il y a beaucoup de badges. La grande majorité des encaissements s’effectue en carte bleue.

Je m’interroge sur le matériel, ou du moins sur l’affichage à l’écran. Paiement par carte validé alors que le tarif n’est pas encore affiché. Passage d’un badge pris en compte alors que le véhicule a déjà quitté la voie. Euh, j’espère que le décalage ne va pas se transformer en plantage ! En pleine heure de pointe, ce serait galère.

Je soulève le masque dès que je peux pour prendre de grandes respirations. J’étouffe là-dessous. Et franchement, est-ce bien utile avec le plexiglass qui a été installé sur la fenêtre ? Il ne reste plus qu’une petite ouverture pour passer la main et attraper le ticket des automobilistes. Ce n’est pas du tout adapté pour les routiers. Alors certes, la plupart des camions sont équipés de badge, mais si un chauffeur poids lourd souhaite régler en carte ou en espèces, ça va être compliqué. Je ne suis pas sensée être contorsionniste du bras.

Mis à part le port du masque rendu obligatoire et l’évolution dans la répartition des moyens de paiement, pour l’essentiel, le travail n’a pas changé et je retrouve les mêmes cas de figure qu’avant le confinement : des automobilistes surpris qu’il existe encore des « guichetiers » ; des abonnés qui s’excusent de s’être trompés de voie, ou demandent s’ils peuvent passer avec le badge, tandis que d’autres foncent sur la barrière ; des habitués des voies automatiques qui passent la cabine sans me voir avant de réaliser, plus ou moins rapidement, qu’il n’y a pas de borne automatique et de faire marche arrière. Ces derniers ont le don de m’exaspérer. Au-delà du fait qu’ils sont en mode automatique et ne font pas attention, je me demande ce que vient toucher chez moi la phrase « je ne vous avais pas vue » pour qu’elle me provoque une vive émotion…

Incident de carte illisible à sept heures moins dix. L’automobiliste n’a aucun autre moyen de paiement. Il me soutient qu’habituellement on saisit les numéros de sa carte. Pas sur notre réseau. Et le sans contact ? Pas en cabine amenée à disparaître. Il finit, à contre-cœur, par me donner ses coordonnées pour l’établissement d’une constatation de non paiement qui lui permettra de régler après passage par internet, mais insiste sur le caractère anormal du fait qu’il n’y ait pas de solution adaptée aux cartes bleues dont la piste magnétique est abimée. « Avant on faisait des facturettes » . C’est vrai. Mais c’était avant. Aujourd’hui on ne peut pas vraiment dire que l’automatisation va dans le sens du service rendu au cas marginaux. Il revient aux humains de s’adapter aux machines, en l’occurrence, de prévoir plusieurs moyens de paiement.

Dix-neuf heures à peine. Ça suffit. Il y a nettement moins de circulation. Je ferme. Je rebascule la voie en mode télépéage pour les voitures et vais faire le tour de site, c’est-à-dire ramasser les tickets sur les bornes en sortie et vérifier s’il n’y a pas besoin de changer de rouleau en entrée.

Après la pause repas, je change de casquette. Je deviens assiste télé-exploitation jusqu’à la fin de mon poste. Les appels étant peu nombreux, je consulte le journal horaire des trafics : sur les trois cent quatre-vingt-dix véhicules qui ont transité en cabine en trois heures, plus de la moitié — deux cent trois — avait un badge. Je me demande combien de temps encore on va nous dire d’ouvrir la cabine en fin de semaine…

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